Il faut douter... c'est une certitude!

Il faut douter... c'est une certitude!

La démarche factuelle du scientifique démontre que le doute est essentiel pour atteindre la certitude....

La démarche factuelle du scientifique démontre que le doute est essentiel pour atteindre la certitude.

Au début des années septante, au balbutiement de l’informatique, donc de l’analyse numérique, deux professeurs m’ont inculqué la nécessité de douter.

Le premier, un professeur d’analyse numérique, nous disait régulièrement « N’oubliez jamais, le résultat que vous fournit l’ordinateur que vous avez programmé est a priori faux; à vous de prouver qu’il est juste »

Le second, mon directeur de thèse, ne supportait pas qu’on lui réponde « Je crois que c’est juste ». Inlassablement, il nous répondait « Quand on croit, on va à l’église » Quand on doute, on dit « je ne sais pas……. encore»

Ces deux exemples pour dire que dans le domaine des sciences exactes, le doute est indispensable, il est le moteur de la recherche et conduit à la certitude.

Dans ce monde-là, afficher son doute est l’assurance de discussions passionnantes et facteur de motivations pour comprendre mieux.

Lorsqu’on sort du monde académique, afficher un doute devient souvent un aveu de faiblesse. Les contraintes sociales et professionnelles sont telles qu’il est mal venu d’afficher son doute. Il est considéré comme une hésitation ; et l’hésitation devient voisine de la faiblesse. Il ne faut toutefois pas amalgamer doute et hésitation. La vie nous contraint souvent de prendre une décision dans l’urgence ; on peut toutefois a posteriori douter que ce fût la meilleure.

A l’opposé, douter peut aussi devenir dangereux. Douter d’une affirmation peut à l’extrême devenir pervers car ce doute peut conduire, sans preuve, à la certitude de son contraire. Certitude qu’il sera facile de répandre grâce aux moyens de communications actuels à disposition de tout un chacun.

La dissémination de cette fausse croyance - issue d’une erreur ou d’une désinformation volontaire- on dirait fake news aujourd’hui - pourra conduire entre autres au complotisme.

On entre ici au cœur de mon sujet. Par le passé, on ignorait beaucoup plus de la vie du monde ; on était certain de peu de choses qui suffisaient à notre vie sociale et professionnelle…et à notre bonheur! Pour ce qu’on ne maîtrisait pas, nos certitudes étaient basées sur la confiance. 

Le doute est donc lié à la confiance (ou plutôt au manque de confiance); confiance en soi, confiance en l’autre et confiance à l’information reçue.

Aujourd’hui par le torrent d’informations qui nous assaille - que ce soit par les médias traditionnels, les chaînes d’infos continues ou par l’influence croissante des réseaux sociaux - on ne sait plus qui croire, en qui avoir confiance. Par opposition, certains ont tendance à tout croire, à absorber ce flot d’informations sans discernement. Et ce phénomène touche de plus en plus de monde au point parfois de nous stupéfier.

Des proches sont capables de nous asséner des contre-vérités avec une assurance aussi grande que leur naïveté et leur sincérité. Ils ne doutent plus, ils ont acquis une certitude absolue… sans preuve.

J’aime bien le terme d’imbéciles prétentieux pour les qualifier car souvent ils sont non seulement dogmatiques mais de plus ils ne supportent aucune contradiction. La séquence COVID que nous traversons leur a offert un vaste terrain de jeu (confinement, masques, hexachloroquine, taux de mortalité, vaccins,….) et les a rapprochés des théories complotistes.

Si par moment nous sommes tous, individuellement, quelque peu imbécile ou parfois prétentieux, le problème réside dans la persistance et la simultanéité du phénomène; et surtout par le fait que ces individus se regroupent.

On est alors dans ce qu’on appelle « le biais de confirmation »; c’est un biais cognitif qui incite chacun à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues. Tout le monde cherche d’abord à se donner raison avant de se donner tort. Cela conduit à toujours consulter les mêmes sources -médias, sites, blogs, réseaux sociaux- où fréquenter les mêmes personnes, celles qui confortent ses convictions. Alors qu’il faudrait systématiquement s’autodonner tort afin d’affiner son raisonnement.

Notre monde de la surinformation conduit la société vers un monde d’incompréhension, vers une perte de repères et un manque de confiance en ses dirigeants -politiques, professionnels, sociaux -. Bref, nous sommes sur la mauvaise pente car cette situation conduit plus à la confrontation (souvent violente) qu’au dialogue. Cela conduit aussi au fait qu’au travers d’élections soi-disant démocratiques, quelques pays basculent vers l’inconnu ou plutôt vers des politiques aux relents nauséabonds. D’autres tombent vers des taux de participation ridiculement bas.

Comment revenir en arrière.

Les velléités actuelles de brider les réseaux sociaux sont à mon avis vouées à l’échec ; ils seront rapidement remplacés par d’autres.

Seule l’éducation pourra corriger le tir. Pour cela, il faudra une volonté politique unanime de le faire… - à l’école car ce ne sont pas des parents contaminés qui vont intervenir - ….on peut rêver.

Changer les médias est aussi du domaine de l’utopique.

Il faudra donc vivre avec!

Apprendre que ce que l’on lit ou entend n’est pas forcément vrai. 

Mais il faudra aussi expliquer que douter ne signifie pas se méfier de tous. La méfiance c’est le doute de la sincérité d’autrui alors que le doute c’est l’absence de certitude.

« La tolérance est la fille du doute » disait Erich Maria Remarque et Nietzsche écrivit « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou »

Doute, certitude, hésitation, sincérité, vérité, confiance….je doute d’en avoir fait le tour et d’avoir réussi à exprimer clairement le fond de ma pensée mais j’ai la certitude que ce sujet mérite que l’on s’en préoccupe grandement.

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